Réseau trophique
Un réseau trophique est un ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d'un écosystème et par lesquelles l'énergie et la biomasse circulent (échanges d'éléments tels que le flux de carbone et d'azote entre les différents niveaux de la chaîne alimentaire, échange de carbone entre les végétaux autotrophes et les hétérotrophes).
Le terme trophique se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d'un tissu vivant ou d'un organe. Par exemple, une relation trophique est le lien qui unit le prédateur et sa proie dans un écosystème.
Dans un écosystème, la structure des réseaux trophiques (les types et réseaux de relations alimentaires entre organismes) influence fortement la quantité, la diversité, la stabilité et la qualité de la biomasse et de la matière organique résiduelle (excrétions, nécromasse) produites par les écosystèmes[1]. La qualité d'un réseau trophique et de ses interactions a un lien direct avec la stabilité et résilience des populations qui en font partie [2].
Les réseaux trophiques, parfois très complexes, sont étudiés par l'« écologie trophique ». Ils sont affectés par les changements globaux, dont ceux liés au dérèglement climatique[3],[4], dont au niveau des espèces-clé[5].
Sommaire
1 Description
1.1 Chaîne alimentaire
2 Réseau limité
3 Contrôle dans les réseaux trophiques
3.1 Les deux grands concepts
3.1.1 Contrôle bottom-up
3.1.2 top-down
3.2 Mécanismes de modulation
3.2.1 Hétérogénéité de l’habitat
3.2.2 Stratégies comportementales
3.2.3 Stratégies Physiologiques
3.2.4 La réponse non linéaire de la productivité primaire au pâturage
3.2.5 Effet de la couverture fournie par les plantes
3.2.6 Régulation intrinsèque et théorie de Fretwell
4 Histoire du concept
4.1 Structuration de la recherche
5 Notes et références
6 Voir aussi
6.1 Articles connexes
6.2 Bibliographie
6.3 Liens externes
Description |
La notion de réseau trophique désigne l'ensemble des relations trophiques existant à l'intérieur d'une biocénose entre les diverses catégories écologiques d'êtres vivants constituant cette dernière (producteurs, consommateurs, décomposeurs). Il peut aussi se définir comme étant la résultante de l'ensemble des chaînes alimentaires unissant les diverses populations d'espèces que comporte une biocénose.
Aux échelles humaines de temps, la structure de la communauté peut sembler en équilibre. Il s'agit en fait d'un équilibre instable maintenu en équilibre dynamique, par le jeu de deux grandes chaines de rétro-contrôles ; les relations « top-down » (régulation des ressources par leurs consommateurs) et « bottom-up » (rétroactions des ressources sur leurs consommateurs).
Mieux comprendre ces interactions est un des enjeux de l'écologie, car elles sont fortement affectées par les impacts en cascade des activités humaines (chasse, pêche, agriculture), qui diminuent fortement le nombre et la biomasse des espèces de haut niveau trophique, tout en augmentant ou perturbant les apports et les cycles de nutriments[6], conduisant notamment à des phénomènes d'appauvrissement en amont et de dystrophisation en aval des bassins versants, ou à des phénomènes d'eutrophisation et d'anoxie en mer[7].
Chaque réseau est caractérisé par des boucles de rétroactions complexes et des équilibres dynamiques, fortement influencées par les paramètres biotiques et abiotiques (température, pH, disponibilité en lumière, oxygène et nutriments notamment).
Ainsi, à titre d'exemple pour les milieux aquatiques, l'augmentation du nombre d'individus d'une espèce ou du nombre d'espèces herbivores tend à diminuer le nombre d'algues fixées ou en suspension. Mais dans le même temps cette pression herbivore favorise l'arrivée de lumière et rend disponible des nutriments, ce qui favorise la croissance d'autres algues ou plantes[8],[9].
Inversement, un déséquilibre écologique, tel que la pullulation en surface ou en pleine eau d'une espèce invasive introduite (n'ayant pas ou n'ayant plus de prédateur local) peut priver le milieu de lumière et le conduire à l'anoxie[10] voire à un phénomène de zone morte, ou une espèce invasive, comme la moule zébrée (Dreissena polymorpha), en filtrant des masses considérables d'eau va induire un changement de la composition algale[11].
Selon les espèces herbivores (éventuellement exotiques et invasives) qui dominent le milieu, la pression herbivore peut être très sélective et alors induire d'importants changements dans le réseau trophique (changements de dynamiques démographiques et de colonisation, changement dans les tailles[12] ou dans le nombre d'espèces, etc.)[13].
Les relations inter-spécifiques, les structures en taille et biomasse de la communauté, les relations intra-spécifiques des assemblages de plantes ou microalgues en seront affectées et modifient en retour la structure et la dynamique des herbivores et de leurs prédateurs[14].
Chaîne alimentaire |
Une chaîne alimentaire est une suite d'êtres vivants de différents niveaux trophiques dans laquelle chacun mange des organismes de niveau trophique inférieur dans le but d'acquérir de l'énergie. Le premier maillon d'une chaîne est toujours un organisme autotrophe. Dans les mers et les océans, le phytoplancton assure ce rôle. Dans les profondeurs abyssales où les rayons du soleil ne parviennent pas, les bactéries thermophiles sont les premiers maillons de la chaîne. Cependant, la chaîne photosynthétique y existe tout de même ; en effet les organismes pélagiques meurent et coulent.
Selon une étude de 2013[15],[16] basée sur son régime alimentaire l'espèce humaine, loin d'être au sommet de la chaîne alimentaire, se situe au même niveau que les anchois ou les cochons. L'homme est un cas spécifique, il ne possède pas de prédateur sans pour autant être au sommet de la chaîne alimentaire. Les populations humaines avec un régime carné se rapprochent cependant des superprédateurs comme l'ours polaire.
Dans un écosystème, les liens qui unissent les espèces sont le plus souvent d'ordre alimentaire. Ces relations forment des séquences où chaque individu mange le précédent et est mangé par celui qui le suit ; on parle de « chaîne alimentaire ». Chaque maillon est un niveau trophique.
Réseau limité |
D'après la loi de Raymond Lindeman (en) (1942)[17], la quantité d'énergie passant d'un maillon à l'autre de la chaîne est de seulement 10 %. Ceci implique que les chaînes trophiques sont limitées ; par ailleurs, dans les échelons les plus bas de la chaîne, l'énergie est allouée en grande quantité à la reproduction. En bout de chaîne en revanche, les espèces ont une reproduction plus limitée et l'énergie est allouée à la survie (chasse, défense, etc.).
Certaines substances toxiques, « indésirables » ou polluantes sont bioaccumulées dans la chaîne alimentaire[18]. En contexte pollué notamment, elles constituent aussi une limite probable au nombre de maillons (niveaux trophiques) de la chaîne[réf. souhaitée].
Contrôle dans les réseaux trophiques |
On qualifie de « contrôle » dans un réseau trophique l’influence de certains paramètres sur la structure et la dynamique de celui-ci. On regroupe sous ce terme de “paramètres” les interactions ou les niveaux trophiques jouant sur la distribution et l’abondance des organismes. Si la nature de ces contrôles fait plutôt consensus dans la communauté scientifique, à savoir le contrôle top-down (contrôle par les prédateurs) et le contrôle bottom-up (contrôle par la compétition), la part de chacun dans les réseaux reste encore débattue[19]
Les deux grands concepts |
Contrôle bottom-up |
Le contrôle bottom-up correspond à une régulation de la biomasse d'un réseau trophique, uniquement ou principalement, induite par la compétition entre individus d'un même niveau trophique pour l'accès aux ressources. On observe ainsi une co-variation positive de la biomasse entre niveaux trophiques adjacents. Dans la littérature scientifique, deux visions de ce concept de régulation transparaissent, en s'opposant sur certains point[19].
La vision de White[20] où le contrôle bottom-up est présenté comme la force de régulation globale de tous les écosystèmes. White part du postulat suivant : le monde est un endroit inhospitalier où la survie d'un individu dépend plus de son accès à la nourriture que de la prédation ou l'herbivorie. Ainsi, la principale ressource limitante des écosystèmes est la nourriture et, par extension, la quantité de nutriments présents dans le sol (comme l'azote), car étant un des facteurs principaux influant sur la production primaire, elle-même impactant les herbivores, et ainsi de suite jusqu'au sommet du réseau trophique.
Ce postulat induit par la même occasion un paradoxe vis-à-vis de la théorie du Monde Vert : un contrôle induit par la quantité de ressources n'expliquerait pas la forte proportion de végétaux et de prédateurs par rapport à celle des herbivores sur Terre. Ce paradoxe est désamorcé par White, qui avance l'hypothèse qu'une faible proportion de la végétation peut réellement être considérée comme comestible (et donc en tant que « ressources ») du fait de la faible qualité nutritive de la majorité des végétaux (induite par de trop faibles concentrations d'azote dans les sols). Cette vision s'inspire des travaux de Chitty (1960)[21] et de Wynne-Edwards (1962) qui proposaient que la limitation du nombre d'individus trouve son origine dans des mécanismes intrinsèquement comportementaux ou génétiques d'autorégulation, comme la territorialité permettant la préservation d'une ressource limitée par une limitation de la reproduction (et donc un maintien de la population à son plus haut niveau). Ce concept de populations « limitées par le bas » plutôt que « contrôlées par le haut » conduit à une réévaluation du rôle de la prédation, du comportement social et territorial ou tout autres interactions entre niveaux trophiques, en tant que facteurs susceptibles d'influencer l'abondance des populations dans un environnement.
La vision de Hunter & Price[22] où le contrôle bottom-up est présenté comme une des forces de régulation des réseaux trophiques, sans exclusivité, et soumise à l'hétérogénéité de l'environnement et à la diversité des écosystèmes.
Plusieurs facteurs abiotiques (climat, ressource en eau, nutriments...) et biotiques (prédation/parasitisme, symbiotes, compétiteurs, décomposeurs...) entre alors en jeu et les rôles relatifs de chacun quant à la structure des communautés sont propres à chaque écosystème.
Hunter & Price proposent un modèle théorique « bottom-up dominé » (voir figure ci-contre), s'appuyant sur l'observation que la suppression des niveaux trophiques les plus élevés laisse les niveaux inférieurs présents (mais possiblement fortement modifiés), alors que la suppression des producteurs primaires ne laisse aucun système. Dans ce modèle, les facteurs déterminants la production végétale sont les facteurs abiotiques (climat, paramètres du sol…) et les facteurs biotiques (décomposeurs, symbiotes…) de l’environnement, puisqu’ils impactent directement l'hétérogénéité de la production végétales. La production primaire détermine ainsi la distribution dans l'espace et le temps des populations d’herbivores, ainsi que leur qualité intrinsèque en tant que ressources pour leurs prédateurs. Cette hétérogénéité parmi les herbivores détermine à son tour la densité, la diversité des espèces et la distribution du niveau supérieur, et ainsi de suite jusqu’au sommet. De plus, ce modèle prend en compte des facteurs plus complexes, comme les interactions entre espèces et les effets de l'hétérogénéité abiotique, et ce à tous les niveaux trophiques.
Ce modèle théorique est présenté par Hunter & Price comme une première piste à suivre pour la compréhension de systèmes biologiques. Il a en effet pour avantages d’intégrer les boucles de rétroaction biotique/abiotiques ainsi que de prendre en compte l'hétérogénéité des écosystèmes. Malgré tout, ce modèle demande à être complexifié car ne prenant pas en compte les processus évolutifs, ni la diversité de facteurs biotiques et abiotiques, ni les interactions biologiques.
top-down |
Le concept de contrôle top-down (contrôle du sommet vers la base) stipule que la prédation prévaut sur la compétition dans les réseaux trophiques, et donc que la quantité et l’efficacité des prédateurs détermine les effectifs des populations de niveaux trophiques inférieurs[23]. Ce concept n’exclut pas l’impact des ressources sur les organismes de l’écosystème : un milieu plus riche pourra toujours contenir de plus grands effectifs de plantes, d’herbivores et donc de prédateurs. Cependant, le contrôle top-down indique un rétrocontrôle négatif (direct) ou positif (indirect) des effectifs des prédateurs sur les densités des niveaux trophiques inférieurs.
Ce concept découle de l’« Hypothèse du Monde Vert » de Hairston et ses collaborateurs[23] qui présente le fait que bien qu’en général les plantes soient présentes en grand nombre dans tous les environnements terrestres, il existe cependant des cas où les herbivores sont capables d’épuiser complètement leur ressource et de localement provoquer la disparition des plantes (herbivores protégés par l’Homme ou par des phénomènes naturels, espèces introduites, etc.). Cette observation peut être expliquée non pas par le fait que les espèces introduites soient « mieux adaptés » à leur nouvel environnement et capables d’exploiter mieux les ressources que les espèces natives, mais plutôt que leur capacité à exploiter le milieu est simplement dû à l’absence de leur prédateur naturel. Ce sont les prédateurs qui contrôlent ainsi les effectifs des herbivores, et non pas la quantité de ressource à leur disposition.
La validation expérimentale de ce concept fait suite aux expériences des années 1960 afin de comprendre pourquoi et comment la biodiversité est répartie sur le globe[24],[25],[26]. L’expérience de Robert T. Paine (1966)[27] portant sur la complexité des réseaux trophiques et leur lien avec la diversité spécifique par de l’hypothèse de travail que « La diversité locale est directement liée à l’efficacité des prédateurs à empêcher la monopolisation de la grande partie des ressources nécessaires par une espèce. ». Pour la tester il réalise une expérience d’un an dans laquelle il retire le prédateur au sommet du réseau trophique de sa zone d’étude, l’étoile de mer Pisaster ochraceus dans la zone intertidale, et regarde l’impact qu’a sa disparition sur la diversité spécifique du milieu. En un an, le réseau trophique passe de 15 espèces à 8 espèces : Paine parle de système « trophiquement simplifié ». Ainsi en l’absence d’un facteur de régulation (ici la prédation), il y a un « gagnant » dans la compétition interspécifique pour l’espace, et le système tend vers la simplicité. L’absence de contrôle par les prédateurs induit ainsi l’exclusion compétitive d’espèces de niveaux trophiques inférieurs. Cette étude illustre l’importance du contrôle top-down dans un réseau trophique et la relation directe entre diversité spécifique et quantité et efficacité de prédateurs dans le système afin d’empêcher une seule espèce à monopoliser la ressource limitante du milieu.
Dans les réseaux comportant un seul prédateur au sommet du réseau, celui-ci est donc le seul à réguler toute la biomasse du réseau : on peut alors parler d’espèce clef de voûte de l’écosystème, sa disparition entraîne une suite de conséquences dans l’écosystème appelé cascade trophique. La réintroduction du loup Canis lupus dans le parc National de Yellowstone est une illustration typique de ce contrôle top-down : sa réintroduction dans les années 1990 à induit une réduction par trois de la population des wapitis Cervus canadensis et une forte augmentation du couvert végétal.
Mécanismes de modulation |
Les principales forces Bottom-up et Top-down contrôlant les interactions dans les réseaux trophiques peuvent être modulées par des mécanismes influençant les interactions entre proies et prédateurs[19].
Hétérogénéité de l’habitat |
En effet, les proies peuvent avoir recours à des changements de localisation[28] leur permettant d’échapper aux prédateurs, comme l’utilisation de refuges spatiaux[29]. L’hétérogénéité structurale de l’environnement peut ainsi procurer aux proies des refuges où le risque de prédation est réduit. Ces refuges peuvent être permanents (absence complète des prédateurs) ou transitoires (prédateur rarement présents). Une augmentation de la richesse spécifique est observée dans les environnements plus structurés puisque le taux de recherche de proies par les prédateurs est réduit, ainsi ces refuges améliorent la persistance des proies en réduisant l'efficacité des prédateurs.
Ces changements de localisation des proies peuvent être accompagnés de changements de comportements de celles-ci afin d’être plus difficiles à capturer. Par exemple, la proie peut diminuer son temps d’alimentation en diminuant son temps de recherche de nourriture puis en manipulant celle-ci dans des lieux sûrs afin d’éviter de se faire attraper par un prédateur. Cependant cela n’est possible que pour des espèces pour lesquels l’apport de nourriture pour le développement et la croissance n’est pas nécessaire en continu (discontinuouss feeders)[28]. En effet dans le cas des « continuous feeders », cette perte de temps d’alimentation peut engendrer un allongement du temps de développement et donc un risque d’être prédaté avant l’âge de reproduction.
Stratégies comportementales |
Les proies peuvent également privilégier certains comportements de groupe afin d’échapper au prédateur, comme les cigales qui émergent toutes en mêmes temps tous les 13 ans : leur grand nombre submerge les oiseaux prédateurs et les contraint à ne se focaliser que sur un nombre restreint de proies.
D’autres changements de comportements sont observables, comme l’induction de défenses chimiques ou morphologiques, des stratégies anti-prédateurs tel que le camouflage, ou la présence d’un état de vigilance qui augmente avec le risque de prédation, comme chez les mésanges bleues lors de leur recherche de nourriture[30], ou encore la coloration aposématique et le dégoût associé, comme chez les espèces de papillons qui présentent sur leurs ailes des couleurs d'avertissement qui signalent aux prédateurs un potentiel danger à les prédater[31].
Stratégies Physiologiques |
Lorsque les proies sont des plantes et les prédateurs des herbivores, les défenses anti-prédateurs peuvent être directes comme les épines, les cires ou encore des composés volatiles interagissant directement avec le prédateur de la plante en perturbant sa croissance, ou en limitant voire inhibant sa capacité à s’alimenter. Les défenses peuvent également être indirectes et n’ont donc pas d’influence directe sur les herbivores mais bien sur les prédateurs de ces derniers, impactant donc des niveaux trophiques supérieurs. Ce type de défenses se fait grâce à des métabolites secondaires comme les HIVOC (Herbivore-Induced Volatiles Organic Compounds) ou l’EFN (Extra-Floral Nectar).
La réponse non linéaire de la productivité primaire au pâturage |
À de faibles pressions de pâturage, les pertes des plantes peuvent être compensées par une stratégie de croissance rapide, stimulée par le recyclage des nutriments. À mesure que le pâturage augmente, les pertes de biomasse pour les végétaux atteindront des niveaux qui ne peuvent être compensés par une croissance stimulée, et la productivité primaire spécifique à la zone diminuera. Des relations hautement non linéaires entre la pression de pâturage et le renouvellement des plantes pourraient ainsi dissocier et déstabiliser l’équilibre du contrôle top-down dans ces réseaux, rendant difficiles ou impossibles à prédire les rendements de cultures sur pied sous différents régimes trophiques[19].
Dans les sols, le recyclage des nutriments entre la matière organique morte, les microorganismes décomposeurs, leurs consommateurs et les producteurs primaires fournit un bon exemple de la façon dont les forces bottom-up et top-down sont importantes et étroitement liées dans les réseaux trophiques, dont les effets sont visibles à des échelles spatio-temporelles suffisamment larges. Il a été démontré à maintes reprises que le broutage des micro-organismes par la faune améliore la minéralisation des nutriments minéraux (N, P, S, etc.) dans le sol, en particulier l'azote (N) et le phosphore (P). La disponibilité accrue de ces éléments augmente avec la complexité de la chaîne alimentaire, ce qui se traduit par une amélioration de la croissance des plantes et une augmentation de la concentration de ces éléments dans la biomasse végétale. Ainsi, les « nourrisseurs microbiens » comme les prédateurs peuvent exercer un contrôle top-down sur les microbes par des interactions d'alimentation, et également affecter indirectement la croissance microbienne en influençant la quantité et la qualité de la litière végétale, la ressource nécessaire aux communautés microbiennes. Cet exemple montre que des rétroactions positives, provoquées par des interactions indirectes entre les niveaux trophiques non adjacents dans les réseaux trophiques du sol, peuvent exercer un certain contrôle sur la structure et la fonction des réseaux trophiques détritiques[32].
Effet de la couverture fournie par les plantes |
L’intensité de prédation des proies par les prédateurs change également avec l’importance de la couverture végétale : les plantes, en s'accumulant, fournissent une couverture aux organismes en limitant leur détection par les prédateurs[19]. Ainsi la disponibilité en ressource pour les plantes et l’accroissement du couvert végétal (force bottom-up) peut avoir pour conséquence de tamponner la réduction des effectifs d’herbivores par les prédateurs (force top-down).
Régulation intrinsèque et théorie de Fretwell |
Il a été également démontré l’importance des mécanismes de régulations intrinsèques de certains niveaux trophiques dans le contrôle général des réseaux. En effet, le phénomène de cascade trophique illustre l’importance des apex prédateurs dans le but de limiter les tailles de populations de divers taxons (contrôle top-down), contrôlant ainsi la densité de leur proie et celle des mésoprédateurs. La question se posant alors est celle de comment les apex prédateurs sont eux-mêmes contrôlés : la présence d’une auto-régulation au sein de ces prédateurs en serait la réponse. L’étude a donc été menées chez ces prédateurs au sommet de la chaine trophique afin de savoir quels traits d’histoires de vie leur permettait de ne pas surexploiter leurs ressources. De ce fait, la disponibilité en proie et par conséquent la biodiversité sont maintenues[33].
Un autre exemple de régulation intrinsèque serait la théorie du professeur Fretwell. En effet, il applique cette théorie afin d’expliquer les multiples interactions trophiques d’un écosystème qui rendrait un paysage plus « vert » ou non, en fonction de la parité du nombre de niveaux trophiques[19]. Selon lui, si les chaînes alimentaires ont des nombres impairs, les brouteurs seraient limités aux prédateurs et les paysages devraient être remplis d'une végétation luxuriante. Alors que les chaînes alimentaires ont un nombre de niveaux trophiques pair, les plantes seraient limitées par les brouteurs et les paysages devraient apparaître stériles. D’après Fretwell, ce serait l’augmentation de productivité primaire qui ajouterait des niveaux trophiques de sorte que, les paysages apparaissent alternativement verts ou stériles.
Histoire du concept |
Les réseaux trophiques ont été mis en évidence dès 1927 par le biologiste Charles Elton (Animal ecology). Certaines espèces, dites espèces clé de voûte, ont un rôle important au sein des écosystèmes, par leur influence sur plusieurs autres espèces pouvant être réparties dans différents « niveaux trophiques ».
Depuis les années 1970, les écologues tentent de mieux comprendre les réseaux trophiques.
On a d'abord cru que le degré de séparation entre 2 espèces d'un réseau trophique était d'au moins 4 liens, c'est-à-dire 4 relations de type « prédateur-proie », ce qui laissait penser que la disparition d'une espèce pouvait facilement être compensée par l'occupation de sa niche écologique par une autre. Cependant, l'observation des réseaux trophiques naturels a montré[34] que plus de 95 % des espèces d'un habitat naturel (aquatique ou terrestre) étaient liées à un réseau trophique dépendant de l'habitat en question, et à moins de trois liens les unes des autres (deux liens en moyenne).
De plus des interactions durables de type symbiose/parasitisme complexifient ces réseaux en rendant les espèces plus dépendantes les unes des autres que ce que l'on avait d'abord pensé, d'où les inquiétudes pour la régression accélérée de la biodiversité induite par l'Homme.
Cette proximité des espèces dans le réseau trophique (deux degrés de séparation) signifie que l'extinction d'une espèce peut avoir des impacts en cascade plus importants que ce qu'on pensait antérieurement. Même des espèces autrefois jugées banales et ubiquistes, parce que communes, pourraient être concernées par les impacts indirects d'un recul « en réseau » de la biodiversité.
Dans les milieux aquatiques, marin notamment, est peu à peu apparu que l'importance des réseaux trophiques microbiens a été sous-estimée[35]. Les interactions fungi-fungi ou fungi-bactéries jouent en particulier un rôle important, voire critique dans les processus de décomposition subaquatique de la matière organique, et donc dans le cycle du carbone. Ces réseaux trophiques microbiens, partout présents, mais souvent invisibles à nos yeux, commencent à être étudiés, avec une approche se voulant plus holistique[36] grâce notamment au métabarcoding.
Structuration de la recherche |
L'écologie trophique a bénéficié du développement de l'écologie isotopique et de l'analyse génétique. Elle se développe en France notamment via le réseau pluridisciplinaire de chercheurs GRET (Recherche en écologie trophique), mis en place en France en 2012 puis labellisé GDR 3716[37] par le CNRS début 2015. Ce réseau vise à mieux décrire et comprendre les réseaux trophiques en France et leur rôle pour les écosystèmes, biocénoses et services écoystémiques.
Notes et références |
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Loi de Raymond Lindeman (1942).
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Voir aussi |
Articles connexes |
- Productivité primaire
- Biocénose
- Karl Möbius
- Niveau trophique
- Type trophique
- Évolution des défenses anti-prédation
Bibliographie |
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Liens externes |
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