Année sans été






Vue satellite de la caldeira du Tambora dont l'éruption déclencha l'année sans été.


L’année sans été est celle de 1816 pendant laquelle des perturbations sévères du climat détruisirent les récoltes en Europe septentrionale, dans l'Est du Canada et dans le Nord-Est des États-Unis. L'historien John D. Post[1] y voit « la dernière grande crise de subsistance dans le monde occidental »[2]. Elle a été provoquée par un hiver volcanique dû principalement à l'éruption du volcan indonésien Tambora en 1815.




Sommaire






  • 1 Causes


  • 2 Description


    • 2.1 Prélude : hiver doux en Amérique du Nord


    • 2.2 Début d'été calamiteux




  • 3 Conséquences


    • 3.1 Un exemple : la misère à Heiligenstein




  • 4 Bibliographie


  • 5 Source


  • 6 Notes et références


  • 7 Bibliographie


  • 8 Articles connexes





Causes |




Dépôts sulfurés mesurés dans une carotte prélevée au Groenland. Le pic de 1816 correspond à l'éruption du Tambora, les carottes ont révélé un pic antérieur en 1810 correspondant à une perturbation consécutive à l'éruption d'un volcan inconnu en 1809[3].


On estime maintenant que les dérèglements de l'« année sans été » étaient dus à des éruptions volcaniques[4] produites du 5 au 15 avril 1815 par le mont Tambora sur l'île de Sumbawa dans les Indes orientales néerlandaises (aujourd'hui l'Indonésie), éjectant dans les couches supérieures de l'atmosphère de grandes quantités de poussière volcanique et d'aérosols sulfurés.


D'autres volcans étaient en activité à des dates voisines :



  • un ou plusieurs volcans non identifiés en 1809 ;


  • la Soufrière sur Saint-Vincent dans les Caraïbes en 1812 ;


  • le Mayon aux Philippines en 1814.


Ces autres éruptions avaient déjà produit une quantité substantielle de poussière atmosphérique. Comme il arrive souvent à la suite d'une éruption volcanique massive, les températures diminuèrent dans le monde entier puisque moins de lumière solaire parvenait à traverser l'atmosphère.


À côté de ces causes directes, l'activité solaire avait de nouveau faibli depuis 1800 environ (minimum de Dalton). Le cinquième cycle solaire fut ainsi particulièrement faible. Le contexte dans lequel eurent lieu ces éruptions était donc déjà favorable à une faiblesse des températures.



Description |



Prélude : hiver doux en Amérique du Nord |


L'été calamiteux 1816 fut précédé par des conditions clémentes lors du mois de février 1816 sur le nord-est des États-Unis qui auraient laissé augurer d'une bonne année. Cependant il existe un proverbe français qui dit qu'« il vaut mieux un renard au poulailler qu'un homme en chemise en février »[5].
La suite des événements confirmerait ce dicton. L'explication météorologique de ce faux espoir est liée au vortex polaire. En effet, un différentiel de température s'était créé au niveau de la stratosphère. La stratosphère au-dessus du pôle nord était restée froide à cause de la nuit polaire tandis que la stratosphère au-dessus des latitudes moyennes s'était réchauffée à cause de l'absorption du rayonnement solaire par les fines particules en suspension[6]. Ceci provoqua un effet inverse du réchauffement stratosphérique soudain au-dessus de l'Arctique. Ce dernier provoque un temps glacial sur le nord-est des États-Unis, alors qu'au contraire, l'hiver fut plus doux que la normale.



Début d'été calamiteux |


Les perturbations climatiques inhabituelles de 1816 eurent l'effet le plus grand sur le Nord-Est des États-Unis, les provinces maritimes du Canada et l'Europe du Nord. Habituellement, la fin du printemps et l'été dans le Nord-Est des États-Unis sont relativement doux : les températures quotidiennes moyennes sont d'environ 20 à 25 °C et les températures minimales descendent rarement au-dessous de °C. La neige d'été est extrêmement rare, bien qu'en mai des rafales de neige puissent se produire quelquefois.


En mai 1816, pourtant, le gel détruisit la plupart des récoltes qui avaient été plantées et en juin deux grands blizzards dans l'Est du Canada et en Nouvelle-Angleterre entraînèrent de nombreux décès. Ce sont presque trente centimètres de neige qui furent observés dans la ville de Québec début juin. Les 5 et 6 juin 1816, un puissant front froid balaya le Nord-Est des États-Unis. Avant le passage de la tempête, il régnait des conditions caniculaires à Boston où il faisait de l'ordre de 34 °C et à l'arrière du front, il neigea et de fortes gelées se produisirent[7],[8]. Ce front froid engendra un violent blizzard où la visibilité fut réduite à moins de cent mètres. Ceci fut à l'origine de récits où des écoliers à Annsville (New York) eurent à marcher près d'une lieue pour rejoindre leurs domiciles pieds nus dans la neige et furent victimes de gelures[9].
En juillet et août, on vit de la glace sur les lacs et les rivières aussi loin vers le sud qu'en Pennsylvanie. Même si les fermiers au sud de la Nouvelle-Angleterre réussirent tout de même à amener quelques récoltes à maturité, le prix des denrées alimentaires augmenta sensiblement. Le prix d'un boisseau de blé passait de $ 1,50 à $ 2,75 à la fin de l'année 1816. De même, le prix du maïs passait de $ 1,35 à $ 1,75 le boisseau[10].


Les tableaux météorologiques de l'Observatoire de Paris, font état de 25 jours de ciel couvert ou très nuageux pour seulement 5 jours de beau temps en juin, 10 jours de pluie, 18 jours de ciel couvert ou très nuageux et 3 jours de beau temps en juillet, 6 jours de pluie, 20 jours ciel couvert ou très nuageux et 5 jours de beau temps en août[11].



Conséquences |


À la suite de cette série d'éruptions volcaniques, et surtout celle du Tambora, les récoltes dans de nombreuses régions du monde vont être très mauvaises suite à des bouleversements climatiques. En Amérique, beaucoup d'historiens parlent de l'« Année sans été » comme d'une motivation essentielle pour le mouvement vers l'Ouest et le peuplement rapide de ce qui est maintenant le Middle-West américain. Ce sont alors des dizaines de milliers de fermiers qui partirent pour le Middle-West septentrional (qui constituait alors le Territoire du Nord-Ouest), où ils espéraient trouver un sol plus riche et de meilleures conditions de croissance pour la végétation.


L'Europe, qui ne s'était pas encore rétablie des guerres napoléoniennes, connut une famine. Des émeutes de subsistance éclatèrent en Grande-Bretagne et en France, et des magasins de grains furent pillés. La violence fut la pire en Suisse, pays privé d'accès à la mer, où la famine força le gouvernement à déclarer l'état d'urgence. La pauvreté des récoltes 1816 et 1817 provoqua une telle misère dans les campagnes que plus de 2 000 émigrants quittèrent la Suisse (en particulier le canton de Fribourg) pour le Brésil, fondant en 1819 la ville de Nova Friburgo sur des terres octroyées par le roi Jean VI de Portugal[12],[13]. Parmi ces émigrants, un sur cinq périt durant le voyage. Des tempêtes d'une rare violence, une pluviosité anormale avec débordement des grands fleuves d'Europe (y compris le Rhin) sont attribuées à l'événement, tout comme un épisode de gel survenu en août 1816.[réf. nécessaire]


L'éruption du Tambora donna aussi en Hongrie un exemple de neige marron. L'Italie connut quelque chose d'analogue, avec de la neige rouge qui tomba tout au long de l'année. On croit que la cause en était la cendre volcanique contenue dans l'atmosphère.


En Chine, les températures exceptionnellement basses de l'été et des trombes d'eau furent désastreuses pour la production de riz dans la province du Yunnan, dans le sud-ouest du pays, avec comme résultat une famine générale. Fort Shuangcheng, aujourd'hui dans la province de Heilongjiang, signala que des champs avaient été ravagés par le gel et qu'en conséquence les conscrits désertaient. Des chutes de neige en été se produisirent en différents endroits dans les provinces de Jiangxi et d'Anhui, toutes les deux dans le Sud du pays. À Taïwan, pourtant sous un climat tropical, on vit de la neige à Hsinchu et à Miaoli, et du gel à Changhua.


Un documentaire de la BBC estime que les taux de mortalité en 1816 ont été deux fois supérieurs à la moyenne habituelle, avec au total environ deux cent mille morts victimes de cette année blanche au niveau mondial.


Plus anecdotiquement, il est souvent rappelé que c'est durant les longues journées froides et pluvieuses de cet été que Mary Shelley conçut l'idée de son roman Frankenstein.



Un exemple : la misère à Heiligenstein |




Inscription sur un mur rappelant la terrible année 1816.


Sur le mur d'une maison à Heiligenstein, en Alsace, on peut lire :




Im Jahr 1817 ist diese Hütte gebauet worden, in welchem Jahr man für ein Furtel Waißen bezahlte 120 fr für ein Sack Erdapfel 24 fr für ein Ohmen Wein 100 fr. Jacob Stiedel.




« En l'année 1817 cette chaumière a été construite ; cette année-là on payait 120 francs pour une mesure de froment, 24 francs pour un sac de pommes de terre, 100 francs pour un Ohmen (50 litres) de vin. Jacob Stiedel. »




Léonard Nebinger (né en 1794), qui fut maire de Heiligenstein (Bas-Rhin), raconte de façon saisissante dans ses mémoires cette année épouvantable[14] :



« 1817 fut une année d'une invraisemblable cherté. Le quart de blé valait 150 francs. Il y eut peu de vin et il était aigre. Huit jours avant les vendanges la neige tomba jusqu'à la hauteur d'une moitié de chaussure, si bien qu'en grand nombre les ceps se brisèrent et que de nombreux arbres sur le ban de la commune et dans la forêt rompirent sous la neige. Cette année-là on ne put travailler le sol des vignes tant il avait plu. Dans ce trimestre de disette un ohm de Klevener de 1811 valait 80 francs, un quarteau de blé 150 francs, un sac de pommes de terre 24 francs, une mesure de haricots de 15 à 16 sous. Les paysans sur le marché n'arrivaient plus à savoir ce qu'ils devaient demander, si bien que plus d'une fois, quand ils avaient exagéré, les gens renversaient ce qu'ils avaient sur leur étalage et les pauvres, qui se tenaient derrière eux le leur volaient, imités souvent par les gradés allemands qui étaient encore dans la région[15]. Les pauvres allaient en forêt, dans les coupes, cueillaient des herbes, les faisaient cuire, les hachaient comme du chou et les mangeaient. Mais tout ce qu'on arrivait à manger cette année-là ne nourrissait pas, si bien que les gens avaient encore faim une heure après. Bien des gens périrent d'inanition dans les environs de Strasbourg et l'on trouva deux enfants morts dans un champ de trèfles où ils avaient mangé de jeunes pousses. »



Mais l’espoir reprend ensuite le dessus. Il écrit plus tard : « 1818 ein Freudenjahr, es gab ein grosser Herbst und sehr gut (1818 une excellente année avec un automne parfait.) »[16]



Bibliographie |



  • R.B. Stothers, « The Great Tambora Eruption in 1815 and Its Aftermath », Science, 1984, 224, 4654, p. 1191-1198.


  • Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat II : disettes et révolutions (1740-1860), Paris, 2006.

  • L'an de misère au val de Bagnes, 1816-1916 : travail présenté à l'assemblée de la "Société d'histoire du Valais romand" à Martigny-ville, le 6 février 1916 / Gabbud, Maurice In: Annales valaisannes. [Sér. 1], Grandes annales, 1916, vol. 1, no. 1, p. 12-25.doc.rero.ch

  • Gillen D' Arcy Wood, L'année sans été, 2016, 304 p (ISBN 9782707191083).



Source |



  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Year Without a Summer » (voir la liste des auteurs).


Notes et références |





  1. John Dexter Post (1925-2012) était professeur d'histoire à la Northeastern University de Boston dans le Massachusetts.


  2. John Dexter Post, The Last Great Subsistence Crisis in the Western World, Johns Hopkins University Press, 1977.


  3. (en) Dai, J., Mosley-Thompson, E.; Thompson, L. G. (1991). « Ice core evidence for an explosive tropical volcanic eruption six years preceding Tambora ». Journal of Geophysical Research (Atmospheres) 96 (D9): 17361–17366


  4. (en) Robert Evans, « Blast from the Past », Smithsonian Magazine, juillet 2002.


  5. Anne-Christine Beauviala, Météo et dictons régionaux, Bonneton, 2000, 128 p. (ISBN 9-782862-532554), p. 18


  6. Année sans été 1816, p. 32


  7. Tambora, p. 203


  8. Année sans été 1816, p. 59


  9. Tambora, p. 200


  10. Année sans été 1816, p. 238


  11. « Climat : 1816, l’année sans été », meteofrance.fr, 8 août 2016(consulté le 26 août 2016)


  12. Martin Nicoulin, La genèse de Nova Friburgo. Emigration et colonisation suisse au Brésil, Fribourg, 1973


  13. « 1819 : Première émigration pour le Brésil » (consulté le 15 avril 2018)


  14. Cité par Friedrich Hecker, Die Stadt Barr von der Französischen Revolution bis auf unsere Tage, Strassburger Druckerei und Verlagsanstalt, 1911.


  15. Après Waterloo et la chute de Napoléon, les Alliés avaient occupé plusieurs années l'Alsace jusqu'au paiement complet de l'indemnité de guerre.


  16. [Heiligenstein : 1817, année de famine, par Marie-Anne Hickel, in Société d’Histoire et d’Archéologie de Dambach-la-Ville, Barr et Obernai, Année 1976, p. 118]




Bibliographie |



  • [Tambora] (en) Gillen d'Arcy Wood, Tambora, Princeton University Press, 2014, 293 p. (ISBN 978-0-691-15054-3)

  • [Tambora F] (en) Gillen d'Arcy Wood (trad. Philippe Pignarre), L'Année sans été. Tambora. 1816. Le volcan qui a changé le cours de l'histoire, La Découverte, 2016, 304 p. (ISBN 9782707191083)

  • [Année sans été 1816] (en) William K. Klingaman et Nicholas P. Klingaman, The Year without Summer 1816 and the Volcano that Darkened the World and Changed History, Macmillan, 2013, 338 p. (ISBN 978-0-312-67645-2)



Articles connexes |



  • Hiver volcanique

  • Indice d'explosivité volcanique

  • Éruption du Laki en 1783

  • Éruption du Samalas en 1257



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